lundi 23 février 2015

L'opium : une passion chinoise, 1750-1950.



Chercheur et maître de conférences à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Xavier Paulès est spécialisé dans l’histoire de la Chine contemporaine ; il s’intéresse à l’histoire urbaine, ainsi qu’à l’histoire de l’opium et des jeux de hasard. Dans cet ouvrage, il aborde deux points essentiels de l’histoire de l’opium en Chine : comment cette drogue a-t-elle pu entraîner un tel engouement aussi rapidement ? Et comment a-t-elle pu être éradiquée tout aussi vite ? Pour répondre à ces questions, Paulès aborde, au long de six grands chapitres, l’histoire de l’opium en Chine.

Pour commencer, il présente l’opium et son association erronée à la Chine. En effet, si cette drogue est connue de grand nombre de civilisations depuis l’Antiquité, elle n’apparaît en Chine que très tardivement ; importée d’Inde par les marchands britanniques afin de rééquilibrer les échanges, elle connait un succès fulgurant. Il est noté que peu d’historiens se posent la question de ce succès, ainsi que, bien sûr, celle de son abolition. Chacun des six chapitres suivants développe ensuite séparément les diverses dimensions de l’impact de l’opium en Chine ainsi que les détails consacrés à sa culture et à sa consommation.
Ainsi, dans le premier chapitre, l’auteur se consacre à l’extraction de l’opium à la suite des récoltes du pavot puis au mode de consommation de la substance obtenue. Ce premier chapitre est essentiel à la compréhension de l’engouement suscité par cette drogue dont la consommation n’est cependant pas aisée car elle exige un savoir-faire et une précision toute particulière ; l’opium est en effet entouré d’un mystère et évoque un prestige qui en fait très vite la drogue des élites. Ce premier chapitre fait également la distinction entre « fumeurs » et « drogués » car ce second terme induit une dépendance, et l’on apprendra très vite que cette dépendance – bien réelle – condamnée par les opposants à l’opium l’est aussi par ceux qui le consomment.
Sans réelle transition, le chapitre suivant est consacré au rôle de l’opium au sein des relations extérieures. Il explore les mesures prises au XX ème siècle pour lutter contre l’opium. Celui-ci a en effet été importé d’Inde par les marchands britanniques dans le but de rééquilibrer les échanges avec la Chine  et a immédiatement été considéré comme « un poison venu de l’étranger » à une époque où le commerce occidental était strictement contrôlé en Chine. L’auteur avance que la première guerre de l’opium marque le passage à la modernité et  s’intéresse au rôle joué par le pays dans la lutte contre l’opium tout au long du XX ème siècle, où il devient une préoccupation internationale. Loin de prendre parti, Xavier Paulès explore ici tous les points de vue des pays concernés. Il enchaîne ensuite sur l’impact macroéconomique de l’opium ; il rappelle notamment que si l’opium est considéré comme un fléau, il n’en reste pas moins qu’il permet de faire vivre beaucoup de monde, à commencer par les cultivateurs de pavots qui se répandent en Chine après l’interdiction totale de l’opium indien sur le territoire. Par ailleurs, sa culture n’empêchant en rien celles nécessaires à la survie du pays – puisque le pavot se cultive en hiver en Chine – l’auteur souligne que les arguments avancés par les détracteurs de la drogue en faveur de son abolition, bien que logiques, n’en demeurent pas moins faux. L’impact de l’opium sur la Chine est donc loin d’avoir uniquement des conséquences désastreuses.

Ce n’est que dans le quatrième chapitre, consacré aux enjeux de l’opium au sein de la politique intérieure, qu’il est possible d’avoir un réel aperçu de ce qu’est l’histoire de l’opium en Chine, ainsi que son évolution. Ponctué par des images de propagandes gouvernementales de diverses époques, il retrace les différentes mesures et positions politiques de gouvernement chinois, puis du monde entier face à l’opium entre le XVIII ème et le XX ème siècle, lorsqu’il est aboli par le parti communiste.
Enfin, les deux derniers chapitres se consacrent au profil des fumeurs d’opium ainsi que les différents lieux de consommation. Se basant sur des données de cliniques de désintoxications, l’auteur y brosse notamment le portrait du consommateur type, ainsi que les raisons l’ayant poussé à l’usage de l’opium. Enfin, l’auteur élabore une conclusion dans laquelle il peut enfin répondre à ses deux problématiques principales.

L’ouvrage de Xavier Paulès présente ainsi de manière très exhaustive et objective la courte, et néanmoins importante histoire de l’opium en Chine. Mais cette abondance d’informations risque à plusieurs reprises de perdre le lecteur. En effet, si l’ouvrage s’ouvre de manière très accrocheuse et divertissante sur une description de la baie de Hong Kong semblable à l’introduction d’un roman d’aventure. Cependant, l’auteur reprend assez rapidement le ton de l’historien pour réaliser son analyse et, si certains chapitres demeurent fluides, d’autres, plus précis, demandent surement une attention plus soutenue.

Paola Bussolaro