dimanche 22 février 2015

Fiche d'analyse d'oeuvre : Des Vietnamiennes dans la guerre.

Guillemot, François, Des Vietnamiennes dans la guerre civile l’autre moitié de la guerre, 1945-1975. Paris: Les Indes savantes, 2014.

     François Guillemot est un ingénieur de recherche au CNRS et membre de l'Institut d'Asie Orientale (IAO) à l’École normale supérieure de Lyon.
Dans cet ouvrage l'auteur aborde le thème de la guerre au Viêt-nam a travers les femmes, qu'elles soient victimes, héroïnes ou encore fugitives. Pour ce faire, l'auteur s'appuie sur nombreux témoignages de femmes vietnamiennes dont le plus marquant est celui de Le Ly Haislip 1 mais aussi sur des recherches de plusieurs auteurs, souvent des femmes, les plus présentes dans son travail sont Svetlana Alexievitch2 ou encore Nathalie Huynh Chau Nguyen, qui rédigea la préface de cette œuvre.

     Dans le cadre de son étude sur les femmes durant la guerre au Vietnam, François Guillemot organise son ouvrage en deux grandes parties et plusieurs sous-parties. La première partie, intitulée « Première partie : Brutalités, flottements, exils - Perceptions et voix féminines de la guerre du Viêt-Nam » est composée de témoignages nombreux montrant la cruauté envers les femmes, souvent violent (viol, torture d'une rare violence) mais il amorce en même temps sa seconde partie en expliquant que les femmes ne sont pas que des victimes, qu'elles sont aussi des actrices majeures de la guerre, impliquées et volontaires.
Même les femmes qui tentent de fuir sont abordées dans l'ouvrage, car il s'agit de regarder la guerre par le prisme de toutes les femmes, car il est clair que durant cette période, la souffrance est présente de partout, de la femme qui a perdu son mari à celle qui s'engage pour la guerre.
Son raisonnement s'oriente alors à l'après guerre, évoquant ainsi les blessures mentales ou physiques laissées aux femmes qui essaient alors de se reconstruire certaine en se rendant dans la grande ville pour trouver une vie meilleure et qui finira par se prostituer, certaine par l'exil, qui ne sera pas une meilleure solution puisqu'il s'agira d'une nouvelle déchirure pour des femmes qui perdront leurs familles et leur pays.

     Dans cette première partie, il s'agit pour l'auteur de faire « un état des lieux » des femmes en générale après la guerre, en partant de leur souffrance , en passant par la résistance puis en s'intéressant à l'après guerre et les séquelles laissées par cette dernière.

     Dans une seconde partie nommée « Féminiser la guerre du Viêt-Nam : Les Jeunesses de choc (TNXP) du sacrifice guerrier à la reconnaissance politique » l'auteur peint un portrait des jeunes volontaires (de 15 à 20 ans environ) dans ces corps spéciaux servant pendant la guerre, à travers divers récits, et surtout des jeunes filles, qui parfois composaient plus de 70% de ces forces.
Ces jeunes filles, parfois très jeunes (13 ans) seront souvent érigées en véritables héroïnes, au prix d'un engagement lourd de sacrifice.
L'auteur évoque leurs conditions de vie pendant leur service, qui sont extrêmement difficiles, étant basées dans la forêt elles étaient sujet aux maladies, à la faim, et bien trop souvent à la mort.
Comme dans la première partie, l'auteur expose dans un second temps les conséquences sur ces femmes après la guerre. Leurs sacrifices ne sera pas reconnus puisque la plupart d'entre elles souffrent de maladie, de vieillissement prématuré ou encore de mutilations sévères, ce qui leurs vaudra d'être exclu socialement, et d'être marquées pour le reste de leurs vies, autant physiquement que psychologiquement puisqu'il s'agira d'un véritable désastre psychologique, se traduisant par des cauchemars, de nombreuses crises ou encore à travers celles qui sombrent dans la folie.

     Dans cette seconde et dernière partie, François Guillemot évoque la femme au centre de la guerre, évoquant la féminisation de ces troupes, en passant par les différentes dégradations corporelles et psychiques qu'elles ont subi et démontrant que les femmes ont ainsi un rôle prédominant durant la guerre. 

     François Guillemot a choisi un sujet très dense, et souvent oublié, mais cet ouvrage est très intéressant, car il met en lumière une facette de la guerre souvent peu étudiée. Toutefois les témoignages successifs peuvent parfois être difficiles à suivre, et l'abondance de ces témoignages et des autres sources d'informations ont pour ma part fait ressortir un léger manque d'analyse personnelle de l'auteur, comme par exemple le début de la seconde partie, composé de beaucoup de données issues de documents officiels sur les Jeunesses de choc, on se sent alors perdu entre une première partie basée sur des témoignages et des analyses, et un début de seconde partie très descriptif.

     L'auteur se recentre par la suite sur sa problématique principale et fourni alors des éléments vraiment intéressants à appréhender, et a combiner à la première partie, pour avoir une vue d'ensemble de l'expérience des femmes vietnamiennes durant cette période trouble, et des rôles multiples qu'elles ont endossé, de la victime à l'héroïne. 

     François Guillemot nous éclaire donc de différents récits plus marquants les uns que les autres pour approfondir un sujet riche, permettant une compréhension de la place et de l'expérience de la femme vietnamienne en tant de guerre, que l'auteur voit dans son épilogue comme celle qui a initié la réconciliation dans le pays, mais aussi de sa place sociale, de son comportement et peut être en voyant plus loin, de la répercussion de ces événements sur la femme vietnamienne d'aujourd'hui.

Anna Palminteri.

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1 Le Ly Haislip avec Jay Wurst, Entre le ciel et la terre, Paris, Éditions du Seuil, 1993.


2 Svetlana Alexievitch, La guerre n'a pas un visage de femme, Paris, Presses de la Renaissance, 2004.