mardi 24 février 2015

Le Japon et le fait colonial II


Le Japon et le fait colonial – II
Les débats du temps post-colonial, des années 1950 à nos jours


        Sous la direction d’Arnaud Nanta, docteur en histoire chargé de recherche première classe au CNRS et de Laurent Nespoulous, docteur en archéologie et Maitre de conférence à l’Institut Nationale des Langues et Civilisations Orientales, cet ouvrage (Edition Cipango 2012) s’interresse comme son titre l’indique au Japon post-colonial.

Les deux auteurs expliquent dans l’éditorial leur volonté de restituer chronologiquement et dynamiquement les grands débats qui entourent le Japon qui a été la seule puissance coloniale de l’Asie de l’Est,  dans une situation post-coloniale complexe faite de contradictions entre les propos du colonisateur et du colonisé. Chaque « chapitre » correspond à la contribution d’historiens et professeurs sur un sujet précis mais toujours autour du Japon.
La première partie concerne le Taiwan d’après-guerre traité par Misawa Mamie (historienne sinologue à l’université Nihon de Tokyo). Il y est question du Festival du film japonais, premier festival international de Taiwan. Il faut savoir que Taiwan était alors dans une situation complexe après 1945 entre décolonisation japonaise et intégration chinoise, la diffusion de films militaires faisant une propagande de l’occupation japonaise sur l’ile eut un accueil très mitigé. Les critiques sont surtout adressés à la population plus qu’au festival en soit, car cette ferveur est interprétée comme une forme d’adoration du Japon de la part des taïwanais et une nostalgie de l’occupation japonaise.
La deuxième partie regroupe quatre contributions d’auteurs différents ayant pour sujet principal la Corée. Lionel Babicz (Maitre de conférence à l’Université de Sydney) examine la situation coloniale et post-coloniale de la Corée et du Japon en comparant les deux couples : Japon-Corée et France-Algérie. L’Algérie malgré son indépendance occupe encore une place importante au sein de la société française, contrairement à la Corée qui ne représente qu’un lien stratégique pour le japon. Le point commun entre ces deux couples est la force du lien qui liait le pays colonisateur au colonisé. Les principales différences étaient avant tout la situation coloniale de la Corée et de l’Algérie : l’Algérie était assimilée à la France par le biais d’une colonisation alors que le Japon avait une volonté d’intégrer totalement la Corée au système légal japonais, et le décalage des chronologies : l’Algérie colonisée plus tôt que la Corée. D’une manière générale, cette comparaison des couples franco-algérien et nippo-coréen montre que le passé colonial est toujours d’actualité et toujours conséquent sur les choix géostratégiques et politiques et sur l’état des relations actuelles entre ces pays.
       La suite de cet ouvrage porte sur les débats à propos de la légitimité de l’annexion de la Corée par le Japon. Arnaud Nanta fait part de l’ensemble des traités nippo-coréens qui ont mené à l’annexion de la Corée au Japon et la remise en cause de leur légitimité par les historiens au fil du temps. L’illégalité de l’annexion est aujourd’hui bien officielle en Corée du Sud comme en Corée du Nord.
        Samuel Guex (Professeur du Master Asie à l’université de Genève) s’intéresse au débat entre la Corée du Sud et le Japon en ce qui concerne les manuels d’histoire des collèges. Les faits historiques relatés dans les manuels japonais et manuels coréens étant contradictoires. En effet les manuels japonais ayant tendance à embellir leur passé au détriment des autres pays voisins en jetant la responsabilité de la colonisation sur autrui. En Corée du Sud, les manuels avaient plutôt tendance à attiser des sentiments anti-japonais. Un des livres les plus controversés totalisant le plus de critique est le manuel Tsukuru-Kai qui minimisait la responsabilité japonaise en faisait l’éloge de la colonisation.
      Enfin Adrien Carbonnet (Docteur en histoire du Japon à l’INALCO), retrace les débats concernant les négociations visant à normaliser les relations entre le Japon et la Corée du Nord. Les négociation ont débuté en 1990 jusqu’à la signature de la Déclaration de Pyongyang le 17 septembre 2002. Cependant les problèmes d’actualité et problèmes sécuritaires empêchent la normalisation des relations nippo-nord-coréennes.

  Cet ouvrage illustre parfaitement la complexité de la situation et des innombrables débats entourant le Japon post-colonial, en insistant sur les relations du Japon en tant que puissance coloniale avec ses voisins de l’Asie de l’Est. C’était intéressant de voir à quel point le Japon a influencé ces pays, et ce même aujourd’hui, malgré leur indépendance. L’histoire coloniale de l’époque pèse encore sur les relations entre pays de l’Asie de l’Est, et joue beaucoup dans les choix géostratégiques et diplomatiques de ces pays.
Le fait d’avoir des points de vue différents, des contributions de plusieurs historiens spécialisés dans un domaine précis rend la lecture de cet ouvrage dynamique. A chaque chapitre, on a à faire à un nouveau débat, un nouveau problème abordé par un professeur. Ce livre s’apparente à une sorte de recueil de plusieurs « thèses » sur un thème précis. Malgré la diversité des sujets, le thème principal reste toujours la relation nippo-coréenne, ce qui est dommage car cet ouvrage est censé faire part des débats concernant le Japon et le reste de l’Asie de l’Est et non seulement le Japon et la Corée, on a une allusion à Taiwan en première partie mais le reste porte uniquement sur la Corée. De plus, il n’y a pas de véritable plan ordonné, on retrouve un nouveau débat à chaque chapitre sans logique chronologique ou géographique.