Bertrand, Romain. L’Histoire à parts égales: récits d’une
rencontre Orient-Occident, XVIe-XVIIe siècle. Paris: Éd. du Seuil, 2011.
L’auteur de cet ouvrage, Romain Bertrand, est diplômé de
l’institut d’études politiques de Bordeaux, et désormais chercheur spécialiste
de l’Indonésie, il a enseigné à l’étranger au cours de sa carrière. Il a écrit
plusieurs autres ouvrages et articles, notamment en ce qui concerne le fait
colonial en Asie du Sud-Est et l’histoire globale et connectée, d’où le titre
de l’ouvrage « histoire à parts égales », une histoire qui n’est pas
seulement celle des européens, mais qui recoupe des sources et témoignages des
« deux côtés », et qui se détourne de l’européocentrisme, l’auteur
met en évidence ce point dès l’introduction.
Dans cet ouvrage, l’auteur explique la rencontre entre les
Hollandais, les Javanais et les Malais à la fin du XVIe siècle et au début du
XVIIe siècle. La rencontre entre les Hollandais et les hommes de Banten est le
point de départ de son livre. L’expédition menée par Houtman a pour but de
mettre à mal l’empire hispanique en Asie, et de créer des comptoirs fortifiés
sur les côtes javanaises dans le but de contrôler le commerce des épices (poivre
de Banten, etc.). Dans cette optique, l’auteur cherche à montrer que les
Hollandais n’arrivent pas dans des contrées « sous-développées »,
mais qu’il existe des systèmes politiques et économiques très complexes dans
les sociétés du monde insulindien, qui n’ont rien à envier à l’Europe.
C’est ainsi que l’auteur explique que les deux « mondes »
qui se rencontrent sont différents, sans pour autant que l’un domine l’autre,
même si malgré ce qu’on pourrait croire, les européens sont en retard sur bien
des domaines (navigation, cartographie, grand négoce…). La puissance et la splendeur étaient du
côté du sultanat de Banten et des autres royaumes Malais et Javanais. Les Hollandais arrivent dans une société cosmopolite,
très bien organisée, hiérarchisée et qui commerce avec ses puissants voisins. A
l’arrivée des Hollandais à Banten, les locaux ne s’en préoccupent pas, c’est l’indifférence
la plus totale, l’auteur note « qu’aucun mouvement narratif n’a été
suscité chez les poètes locaux ». Ainsi, la rencontre impériale entre
Hollandais et Javanais n’a pas eu lieu, ce qui a été un événement du côté Hollandais
ne l’a pas été de l’autre. Les Javanais avaient d’autres problèmes à régler,
notamment la succession du défunt souverain de Banten, Maulana Muhamad, qui a
pour fils unique un enfant de 5 mois, à travers cet évènement, il y a une
rivalité entre les pangeran et les ponggawa, respectivement « les
princes de sang » et les administrateurs du royaume. Les Hollandais se
sont insérés dans le système politique et le jeu impérial Javanais, et furent
perçus par les aristocraties locales comme des marchands grossiers, incultes. Ce
que l’auteur souligne aussi, c’est que ce n’est pas la Hollande qui rencontre
Java, mais quelques marins et marchands, de ce qui sera plus tard la Compagnie
unie des Indes néerlandaises, qui souhaitent faire du profit et commencent alors à négocier
avec les membres de la haute aristocratie locale.
Dorey Gaëtan