Compte-rendu
Guillemot, François, and Nathalie Huynh Chau. Nguyen. Des
Vietnamiennes dans la guerre civile l’autre moitié de la guerre, 1945-1975.
Paris: Les Indes savantes, 2014
L’auteur du livre à
l’étude, François Guillemot, travaille au CNRS dans la recherche sur
l’Indochine. Dans le cadre de ce compte-rendu, sa dernière œuvre littéraire
sera étudiée, soit le livre «Des Vietnamiennes dans la guerre civile, l’autre moitié de la
guerre, 1945-1975». Histoire unidirectionnelle et ce, dans le sens du Parti
communiste vietnamien, la guerre civile est perçue comme une nécessité à la
victoire et à l’unification du Viet Nam. François Guillemot s’emploie à défaire
cette affirmation. Pour le Parti, il y a des gagnants et des perdants, mais la
complexité de la guerre ne peut se résumer à ces deux entités et donc l’auteur
tente de rendre compte de la réalité complexe de la guerre en s’intéressant au
cas des femmes. Pour François Guillemot, la guerre civile, au contraire d’avoir
libérée le Viet Nam et d’avoir laissée d’un côté des vainqueurs, et de l’autre
des vaincus, provoqua plutôt un embrouillement du social en impactant de
manière particulièrement négative la vie des femmes, soit physiquement ou psychologiquement.
Afin de soutenir sa thèse, l’auteur aborde le vécu des femmes tout au long de
la guerre et ce, des deux côtés du 17e parallèle pour résumer la
dure réalité à laquelle elles étaient confrontées. Dans une deuxième partie, il
se concentre sur les TNXP[1],
soit à l’utilisation des femmes dans la guerre par le Parti communiste qui se
résuma généralement par un effondrement de leur vie respective.
La
première partie qui porte le titre de «Brutalités, flottements, exils :
perceptions et voix féminines de la guerre du Viêt-Nam» (p.19), souligne
l’éclatement de la situation de la femme au Viêt-Nam. À l’aide de nombreux
témoignages, il rend compte de la réalité des femmes en abordant premièrement
la « brutalisation du corps vietnamien...» (p.33). Il exécute un retour sur les
nombreux viols exécutés par les soldats états-uniens «...où se mêle[nt]
sadisme, vengeance et terrorisme» (p.36). Ensuite, l’auteur, dans «engagements
croisés» (p.43), traite des nombreuses décisions prises par les femmes dans
leur engagement, donc soit par volonté révolutionnaire ou pour échapper aux
viols. Par contre, peu importe leurs motifs, on remarque que lors de
l’enrôlement, il y a un certain effacement des rapports inégaux entre hommes et
femmes en contexte de guerre. La section
qui suit, «flottements, égarements» (p.55), témoigne plutôt de l’effet inverse.
Si celle-ci semble réduire les écarts de genre, elle participe plutôt à une
destruction psychologique des femmes. Ce flottement se traduit par une peur
constante, un «...oubli de soi...» (p.64), des sacrifices tels que la
prostitution, donc à un trouble de la femme en société. Les derniers titres
abordés, «exils intérieurs [...] [et] exils extérieurs...» (p.67 et 76),
traitent de l’égarement d’après-guerre, où «...le retour à la paix ne met pas
fin aux drames humains.»(p.68) En effet, les femmes qui ont combattu se
retrouvent exclues parce que trop vieilles malgré leur jeune âge, trop malades,
alors que les femmes qui ont connu la prostitution se trouvent déshonorées et
d’autres, sans mari, sont dans une situation financière difficile à supporter.
À travers les nombreux témoignages et sources amassées, François Guillemot
expose l’impact destructeur et disjonctif de la guerre pour les femmes, à
l’inverse du discours actuel.
Dans
sa deuxième partie, soit «...Les jeunesses de Choc (TNXP) du sacrifice guerrier
à la reconnaissance politique» (p.93), l’auteur aborde les jeunesses de choc
afin de montrer les diverses versions de la guerre même du côté révolutionnaire
et ainsi compromettre la ligne directrice vietnamienne. Pour se faire, l’auteur
revient d’abord sur la construction de ces entités (TNXP) et souligne
l’importante place qu’occupent les femmes, soit de 50 à 70% (p.131). Il se
penche ensuite sur les «corps au cœur de la guerre...» (p.138), donc à la
flétrissure des corps et des esprits féminins. Il aborde plusieurs types de
corps qui se dégradent dans le temps, par exemple les «corps fiévreux» (p.143)
à cause du paludisme ou les «corps affamés et assoiffés» (p.145). Le but est de
souligner l’ambigüité de la guerre civile de même que la façon dont l’auteur
aborde les «souffrances de l’après-guerre...» (p.170). Dans cette section est
mit l’accent sur la difficulté à se remettre de la guerre pour les femmes et
sur la «...dépression et [...] [le] désenchantement» (p.170) des filles après
la guerre. Effectivement, elles sont habitées par des troubles physiques
nombreux, mais aussi pathologiques et ces troubles aboutissent à leur exclusion
sociale. Elles sont «à la fois victimes de la guerre puis cible du poids de la
tradition...» (p.172). Ainsi, par l’étude des TNXP, François Guillemot démonte
le mythe des unités glorieuses et gagnantes, pour offrir une réalité plus
contrastée et qui fut, pour les femmes, un égarement de leur vie.
Tout
au long de son œuvre, l’auteur fait appel à une multitude de sources, allant de
récits réels, d’études, de production de connaissance par le Parti communiste
vietnamien. C’est là que repose la notoriété du livre, dans ce sens où
plusieurs points de vue sont pris en considération en et ce, dans diverses
langues. Par contre, alors que l’auteur expose une problématique assez précise
quant à la situation des femmes lors de la guerre civile au Viêt-Nam, un manque
est notable en ce qui concerne le contexte général. En effet, si l’état des
faits est très complet pour le vécu des femmes, le lecteur ne peut savoir, par
exemple, à quoi fait référence l’auteur par rapport à certains lieux. C’est le
cas lorsqu’il aborde la composition des TNXP et qu’aucune carte n’est mise en
référence, ou encore lorsqu’il énumère la composition du corps militaire
révolutionnaire et qu’aucun schème n’est présent (p.119).
Pour
conclure, alors que le Parti communiste du Viêt-Nam continue d’entretenir le
mythe d’une guerre de vainqueurs contre vaincus, François Guillemot souligne
plutôt l’aspect déconstruit et destructeur de la guerre dans la vie des femmes
et réussit à rendre compte de cette réalité par l’état des faits des femmes en
général, puis ensuite la réalité des filles faisant parties de TNXP, donc au
front. Malgré les quelques failles telles que le manque d’information quant au
contexte, le livre «Des Vietnamiennes dans la guerre civile l’autre moitié de la
guerre, 1945-1975» rend compte d’une réalité encore peu connue de
l’histoire du Viêt-Nam et remet en cause les effets d’une société
patriarcale.
Daphnée
Warnet-Atlas