Fiche
de lecture
Belles
de Shanghai
Prostitution
et sexualité en Chine aux XIX-XXème siècles
Christian
Henriot
Christian
Henriot est un historien contemporain, spécialiste dans l'histoire
sociale et urbaine de la Chine. L'ouvrage étudié ici a été axé
sur Shanghai volontairement par l'auteur car il aurait été
impossible de traiter le cas de la prostitution dans toute la Chine
compte tenu du manque important de sources, souvent souligné par
l'auteur. La ville était aussi découpée en trois territoires dotés
de pouvoirs autonomes ce qui facilitait les activités délictuelles.
La période choisit est le milieu du XIX, 1849 à 1949, soit avant
l'influence coloniale jusqu'à la prise du pouvoir par les
communistes.
L'auteur
s'est servi d'archives (policières, diplomatiques françaises, SDN
ainsi que des archives de sociétés privées), de la presse (plus
gravures, photographies...) ainsi que des ouvrages s'intéressant à
la prostitution (tels que des biographies de grandes courtisanes ou
les « boussoles du monde galant » par exemple). Une
critique positive que l'on pourrait faire vis à vis de ces sources
est qu'elles sont abondamment et régulièrement présentes dans
l'ouvrage même sous forme de cartes, photos, tableaux... ce qui
permet d'éclairer et faciliter la compréhension.
Les
deux premières parties du livre sont consacrées aux courtisanes,
puis à la prostitution de masse. En outre, on voit d'abord l'élite
de la prostitution et on s’aperçoit ensuite que c'est un domaine
ouvert à tout le monde. Comme il y a une hiérarchie de la
population, il y a aussi une hiérarchie de la prostitution. La
prostitution peut alors faire office d' »indicateur social »
(la croissance de la population va alors évoluer parallèlement au
marché de la prostitution).
Si
la courtisane est dans un premier temps respectée, éduquée aux
arts et parfois même lettrée (XIX), elle fait place et se confond
même avec les prostitués « classiques » dès le XX et
passe alors à un simple objet économique.
Ainsi,
dans un premier temps, la prostitution était tolérée, il y eut
même beaucoup de mariages entre homme et prostitués. Mais vers les
années vingt, la prostitution engendre des maladies, de la
pauvreté... elle devient un problème social.
La
prostitution devient alors au fil du temps plus banale, plus
populaire et on oublie le protocole d'un jeu de séduction entre
courtisane et courtisant pour ne laisser place plus qu' au sexe.
C'est ainsi que le « Paris de l'Asie » laisse place au
« bordel de l'Asie ».
Ensuite
l'auteur aborde au cours d'une troisième partie la question
économique de la prostitution, on y voit la complexité de
l'administration des maisons et leur fonctionnement (chapitre 10).
C'est un passage très descriptif qui comprend énormément de
détails très précis quant aux tarifs des jeux (revenus illégaux
et auxiliaires des maisons), aux taxations, aux prix des repas au
sein des maisons... De plus, grand nombre d'historiens transmettent
l'idée que les prostitués étaient privé de la quasi, voir
totalité de leurs revenus. Ici, d'après l'auteur, les prostitués
(durant les années quarante) déclarent disposer d'une partie de
leurs revenus et craignent une interdiction de leur activité.
Cela
amène alors à la dernière partie, pour finir, le thème de la
réglementation de la prostitution à Shanghai. Ici, on voit le début
du déclin de la prostitution à Shanghai et les causes de ce
phénomène. Cette partie est découpée chronologiquement commençant
par le contrôle des mœurs (1860-1914), le mouvement abolitionniste
(1914-1925) et enfin le nationalisme (1937-1949). Un quatrième et
dernier chapitre vient conclure cette partie portant sur un aspect
humanitaire : le sauvetage des prostitués
Pour
conclure, on peut dire que cet ouvrage traite bien plus que de la
prostitution, celle-ci sert d'une certaine manière de reflet des
mutations de la société de Shanghai durant la période 1849-1949.
La
prostitution et son fonctionnement ont beaucoup changé tout comme la
société, ces changements sont alors connectés.
De
plus, à travers la prostitution on voit ici la place de la femme
dans la société, place de subordination vis à vis de l'homme.
On
a alors, à la fois une histoire de la prostitution à Shanghai et
une histoire de Shanghai via la prostitution.