Cet
ouvrage est écrit par Rémy Madinier, un historien agrégé et un
chercheur au CNRS mais il est aussi le co-directeur du Centre Asie du
Sud-Est ainsi que de l'Institut d'Etudes de l'Islam et du monde
musulman. Spécialiste de l'Indonésie il consacre sa thèse en
histoire sur la démocratie musulmane en Indonésie. Il porte
aujourd'hui ses recherches sur l'histoire des rapports
islamo-chrétiens en Asie du Sud-Est.
Dans
cet ouvrage, il tente de dresser un portrait exhaustif de la mise en
place et des répercussions sur le pouvoir indonésien qu'à eux le
parti Musulman Masjumi entre les années 1945 et les années 1960.
C'est à dire de l'indépendance du pays à l'interdiction du parti.
Pour
Rémy Madinier, la nécessité de cet ouvrage se trouve dans
l'absence total d'oeuvre scientifique, objective et poussé sur ce
genre de thème. Il explique en ouverture de son ouvrage la
difficulté pour accéder à une partie des informations plus
personnelles sur les membres du partis et leurs habitudes. Cette
absence de document se trouve aussi bien en Occident que sur place
même, ou il a été compliqué d'écrire sur le Masjumi pendant un
long moment. Il explique aussi, la nécessité de cette
historiographie autour d'un islam asiatique et atypique bien souvent
méconnu du public ainsi qu'en étant le parfait mi-chemin entre la
vision islamique d'un Rachid Reda et d'un Mustafa Kemal, pour
reprendre ses exemples.
Il
nous met aussi en garde contre toutes les idées préconçus à
l'encontre de l'islam politique et tente de nous libérer des
barrières d'une vision potentiellement étriquée.
Ensuite
la structure de son livre est assez évidente, il nous parle tout
d'abord de la génèse du parti Masjumi. L'arrivée et l'implantation
de l'Islam au courant de l'histoire, notamment dans les cours des roi
Hindou-bouddhiste de Majapahit à Java-Est, ont permis à cette
religion de devenir centrale. Bien que l'implantation soit encore un
sujet de controverse, son histoire lui a clairement permis de devenir
la religion principale de l'Indonésie aujourd'hui.
La
présence nippone entre 1943 et 1945 a été un véritable levier
pour la création et l'avènement du parti. Avec une politique
japonaise se reposant sur l'Islam, se conclut par la création Le
Conseil consultatif des Musulmans d'Indonésie,
dont le nom en indonésien est très proche du Masjumi. Cette
paternité entre les 2 organisations avec un partage des tâches
entre les membres présents dans les 2 organismes assez précis. Ceux
faisant parti du conseil sous la direction japonaise étant plus
discret lors de l'indépendance et inversement. Avec une politique
tantôt pro-musulman, tantôt populaire les japonais ont permis
l'avènement d'une politique musulmane sur l'avant de la scène
indonésienne.
A
la veille de l'indépendance, la plupart des membres politiques
voulant d'une constitution était aperçu comme un devoir religieux
en tant que musulman. Religion et politique étaient donc
indissociable. Comme nous le rapporte l'auteur, les comptes-rendus
officiels des réunions du Comité d'études sont perdus ou n'ont
jamais été rédigé nous rend impossible de nous rendre compte de
les rôles des principaux leaders comme Muhammad Yamin ou Soekarno.
Ce qui est sur c'est que le 1er juin 1945, quand Soekarno fait le
discours « naissance du Pancasila », il propose « 5
fondements » (Pancasila en sanskrit peut être traduit par 5
fondements), pour l'Etat indonésien. Cet Etat devra donc se reposer
sur le Nationalisme, l'internationalisme ou le sens de l'humanité,
la démocratie dans le consensus, la prospérité sociale et la foi
en un Dieu unique. Ce 5ème fondement rassure les citoyens
indonésiens car Yamin avait proposé lui une république laïc.
A
la fin de la guerre, suite au retour des Hollandais, la nouvelle
République a du résister à différentes révolutions financer par
les européens, notamment la révolution communiste de Madiun.
L'Indonésie put enfin évoluer dans une stabilité grandissante.
Une
république parlementaire à « l'européenne » est mise
en place en Indonésie suite à une petite période de difficulté
constitutionnelle. Il faudra attendre 1959, soit presque 10 ans avant
de voir la fin de la constitution provisoire et la définitive
ratifiée. Plusieurs points créaient de nombreux troubles politiques
notamment comme la fonction présidentielle bien trop faible face au
charisme de Soekarno et de ses capacités politiques à dirigées le
pays. Le parlement était séparé entre 3 pôles principaux, la
religion, le nationalisme et le marxisme. Ces 3 pôles étaient en
lutte constante pour contrôler le parlement.
Le
Masjumi possédait un quasi-monopole sur la représentation de
l'Islam en politique pourtant avec l'avènement en 1952 de la
renaissance du Nahdlatul Ulama (NU), avec qu'il fit une alliance sous
la forme d'une fédération, le parti ne semblait donc pas prendre la
mesure de l'événement. Les NU, plus traditionaliste que le Masjumi
créait une sorte de fracture au sein du parti. Une parti des
partisan était contre cette alliance. Petit à petit, suite à un
jeu politique adroitement mené par le NU et différents partis le
Masjumi se retrouve de plus en plus isolé sur l'échiquier politique
et perd une large parti de son électorat. Obligé de renouer avec
les voix pour espérer une plus large expansion au sein du Parlement,
le parti musulman se voit obliger de retourner vers une politique
plus de droite, plus radicale en terme d'Islam.
Suite
à ce changement d'opinion une large parti de l'électorat perçu le
Masjumi comme un échec politique et aux élection de 1955, leur 3ème
position au parlement fut très mal perçu par les membres du parti,
convaincu de représenter une large partie de la population (80%). Le
parti se rapprocha donc de la rébellion du Darul Islam et se vu
interdire en 1960. Soekarno perdit son combat en politique et
militaire contre Suharno.
J'ai
trouvé cet ouvrage très intéressant et surtout très complet vis à
vis de la situation en Indonésie à cette époque. Grâce à un
travail de recherche poussé qu'on constate avec des graphiques, des
dessins de propagande ainsi que des comptes-rendus de divers
conseils, les rôles de plusieurs politiciens sont bien mis en
lumière. Le Masjumi est un des piliers centraux de la création de
la République Islamique d'Indonésie, et on comprend mieux comment
cette nouvelle forme de « sécularisation » si
particulière à ce pays est possible.
Par
contre, ayant lu, Indonésie : La démocratie
Invisible, de Romain Bertrand,
cet ouvrage permet de mettre en avant certaines traditions plus
folklorique dans la politique indonésienne que Rémy Madinier met,
je pense, ouvertement de côté pour éviter trop de confusion.
Bertrand nous explique car exemple comment la magie influt-elle sur
le monde politique et je pense que mettre ses 2 ouvrages en relations
permet d'avoir une vision plus globale de la situation complexe en
Indonésie entre modernisme, islam plus traditionnel, et culte
ancestral magique.