Les musulmans d'Asie du
Sud-Est face au vertige de la radicalisation
Stéphane
Dovert, Rémy Madinier
Les Indes Savantes, 2003
La partie sud-est asiatique regroupe près d'un tiers
des musulmans de la planète. Qu'il soit religion d'état ou
confession minoritaire, l'islam pose de nombreuses questions tant sur
le plan social que politique. Depuis les attentats du 11 septembre,
un intérêt particulier est porté au phénomène de radicalisation
des musulmans. C'est dans l'optique d'éclaircir la question de la
radicalisation en Asie du sud-est que Stéphane Dovert et Rémy
Madinier publient en 2003 un ouvrage intitulé Les musulmans d'Asie
du Sud-Est face au vertige de la radicalisation. Stéphane Dovert,
spécialiste français de l'histoire et des sciences politiques de
l'Asie du Sud-Est et Rémy Madinier, chercheur au CNRS, et
co-directeur du CASEIEI s'attachent tout deux à éclaircir l'aspect
pluriel du culte. En effet, loin d'une homogénéité pratique et
spirituelle, l'islam prend différentes formes et la situation
sociale des musulmans crée des groupes extrémistes.
Cet ouvrage collectif se donne pour mission d'offrir une
vue d'ensemble du phénomène de radicalisation de l'Islam dans les
pays d'Asie du Sud-Est. Après des siècles de stabilité relative,
les auteurs notent une radicalisation de l'islam. Ainsi, ils
souhaitent mettre en lumière les différents facteurs de la
radicalisation de l'islam, au moyen d'une focalisation sur chacun des
pays suivants : Indonésie, Malaisie, Thaïlande, Cambodge, Birmanie
et Philippines. La mosaïque ainsi créée dévoile des tensions
ethnico-religieuses, des arrangements politiques et des stratégies
de nature prosélyte.
L'ouvrage est divisé en deux partie : les pays à
majorité musulmane :
- La Malaisie : Les auteurs expliquent la
radicalisation de l'Islam malais, principalement par des tensions
entre le gouvernement et des organisations influentes qui le
remettent en cause : le PAS, l'ABIM, le Darul Arquam. La stratégie
employée par le gouvernement malais est de reconnaitre les valeurs
de islam afin de les encadrer, et ainsi prévenir toutes dérives
radicales. Bien que le gouvernement accompagne les Etats-unis dans sa
lutte contre le terrorisme, l'influence du Wahhabisme des pays du
Golfe -qui subventionne l'éducation des jeunes malais- rassemble de
nombreux croyants derrière la formation d'un état islamique.
- Indonésie : les auteurs démontrent que la divergence
d’intérêt entre le gouvernement et la population engendre une
radicalisation dans la pratique de l'islam. La réputation d'archipel
intereligieuse s'effrite avec la recrudescence des émeutes
anti-chinoises et anti-chrétiennes. Pourtant, le parti de l'Ordre
Nouveau, favorable au christianisme, prend le pouvoir et durant ce
règne, les musulmans se sentent opprimés. De là va se former un
sectarisme religieux, à la fois source et mode de radicalisation.
Concomitamment, le wahhabisme s'exporte sur l'archipel avec
l'intervention des pays du Golfe dans l'éducation des jeunes
indonésiens marginalisés, à la recherche de normes et de
hiérarchies alternatives.
La seconde partie sur les pays à minorité musulmane
tel que :
-La Thaïlande, pays bouddhiste, dans lequel le
musulman est défini par son identité ethnolinguistique. La
radicalisation de l'islam découlerait de la politique de
thaïcisation du pays puis la migration bouddhiste vers la Patanie
entraîne une seconde vague de radicalisation. L'organisation PULO
ouvre la porte de la violence et des discours salafistes qui vont
jusqu'à prôner l'idée d'apartheid religieux. L'Etat se montre
favorable au séparatisme, évitant ainsi l'intensification du
désordre social. La Thaïlande préfère l'encadrement à la
répression.
-Le Cambodge est présenté par les auteurs comme un
pays qui a su trouver un équilibre social, bien que le bouddhisme
soit la religion étatique. Les principales tensions viendrait du
fondamentalisme missionnaire des pays du golfe. Depuis la période
des khmers rouges, musulmans et Cham massacrés voient leur identité
dissolue. L'Islam revient sous une forme qui se veut originelle,
inspirée du wahhabisme saoudien. L'orthodoxie prend son importance
avec l'intervention de la RIHS et des missionnaires étrangers. Bien
que la région sud du Cambodge soit régie par l'islam, les
populations restent soumises à la loi civile.
- La Birmanie apparaît comme la plus conflictuelle,
l'islam radical est, selon les auteurs, comme renforcée par une
oppression de la part du gouvernement Birman. La persécution
ethnique et religieuse des Arakan engendre une radicalisation. La
marginalisation économique et sociale, ainsi que l'acculturation
forcée, ouvre la porte au radicalisme. Les violences perpétrées
par l'armée poussent à la migration vers des pays musulmans, le
risque de la récupération de ces populations par des groupes
extrémistes s’accroît.
-En Philippines, Madinier et Dovert notent la création
d'une identité artificielle musulmane, les moro. Les terres occupées
par les musulmans données aux catholiques créent des perturbations
sociales et des troubles économiques. Les massacre perpétrés sur
populations musulmanes entraînent la formation de groupe comme le
MIM qui souhaite un état islamique indépendant. Les accords sont
signés pour l'autonomie des musulmans du sud à condition qu'ils
abandonnent leur idée d'indépendance. Là encore les pays du golfe
soutiennent et envoient des missionnaires.
A mon sens, cet ouvrage est intéressant à la fois par
son aspect objectif et par son organisation. La bibliographie et le
glossaire situé à la fin est séparée par pays facilite les
recherches. Toutefois, les auteurs sacrifient parfois l'enchaînement
logique des idées afin d'alléger la lecture. Il est également
regrettable de ne pas avoir d'informations précises sur la
propension de croyant favorables à la radicalisation dans chacun des
pays.
Sigles :
PAS : Partie islamique panmalais
ABIM : Mouvement de la jeunesse malaise
PULO : Patani United Liberation Organisation
RIHS : Revival of islamic heritage society
MIM Muslim Independant Mouvement
CHEHIH Maryam
CHEHIH Maryam