L'ouvrage ici étudié a été écrit par M. François Guillemot, ingénieur de recherche au CNRS et membre de l'Institut d'Asie Orientale (AIO) à l’École normale supérieure de Lyon. Ce dernier est un spécialiste français de l'Asie du Sud-Est et plus précisément du Viêt-Nam (il a fait de nombreuses recherches sur ledit pays et semble ces derniers temps s'attarder d'avantage sur le cas plus spécifique des jeunesses de choc). M. Guillemot tend à rendre compte dans cet ouvrage de la situation des femmes durant les guerres qui ont secoué le Viêt-Nam de 1945 à 1975 tout en posant une réflexion sur ses conséquences. Il s'attarde ainsi à établir une autre vérité -allant à l'encontre des discours officiels- en s'appuyant sur de nombreuses recherches.
En guise d'introduction, M. Guillemot pose les problématiques et contextes généraux afin de mieux appréhender par la suite l’enjeu de son étude. C'est ainsi que l'auteur rappelle que la question de la Femme dans la guerre est en général une question peu étudiée (même s'il énonce que des recherches tendent à se développer sur ce sujet ces dernières années). L'auteur justifie alors que cette question a tout son intérêt concernant la guerre du Viêt-Nam en raison de la position initiale des femmes dans cette société mais surtout de l'engagement particulier de ces dernières dans les conflits armés de 1945 à 1975. Enfin, M. Guillemot tend a expliquer que cette question reste très délicate dans un pays patriarcal comme le Viêt-Nam qui par son régime mono-parti semble imposer une Histoire commune et instrumentalisée, allant jusqu'à ignorer l'existence même de la guerre civile (on lui préféra l'idée de guerre « pour unifier le pays ») fermant de ce fait les yeux sur une partie de son Histoire.
Dans une première partie -M. GUILLEMOT, « Première partie : Brutalités, flottements, exils, perceptions et voix féminines de la guerre du Viêt-Nam », Des vietnamiennes dans la guerre civile, l'autre moitié de la guerre 1945-1975, 2014, pp. 19-92- l'auteur s'attarde sur l'état général des femmes durant la guerre en y abordant les conséquences psychique et physiques. Ainsi, la question ici étudiée est celle concernant les femmes durant la guerre civile (ou guerre du Viêt-Nam) scindant alors le pays en deux (le nord pour la partie communiste et le sud pour la partie libérale). Cette scission a tout son intérêt car même s'il est évident que les conséquences d'une guerre sont toujours dévastatrices quelque soient les protagonistes, l'auteur s'attarde sur les différents maux qui ont pu toucher les femmes suivant qu'elles venaient du sud ou du nord du 17ème parallèle. C'est ainsi qu'il met en exergue plusieurs éléments tels que la prostitution, le rapport avec les soldats américains ou encore les TNXP (Thanh Niên Xung Phong) qui semble être chacun cantonnés à une région spécifique du Viêt-Nam. L'auteur tend à démontrer que cette différenciation des maux entre femme du sud et du nord s'établie encore après la guerre avec des femmes du sud qui subissent alors la « terreur des vainqueurs » (maris ou fils placés en centre de réduction, manque de considération sociale, exil...) et des femmes du nord qui après avoir tout donné à la cause communiste semblent complètement oubliées au lendemain de la guerre (aucune considération sociale, manque d'assistance pour soigner les blessures de guerre, mère d'enfant malformé en raison des produits chimiques inhalés durant la guerre...). Enfin, l'auteur tend à démontrer les raisons de ce manque de considération sociale pour les femmes des deux côtés du 17ème en expliquant que ce serait dû -entre autre- à l'histoire officielle voulut par le régime qui s’efforce de ne donner qu'une belle vision de la guerre ainsi qu'à l'armée américaine, encore traumatisée par les actes de ses soldats durant la guerre, qui ne serait pas encore prête à faire ressurgir « les démons du passé ». Cette première partie est appuyée par des photographies et de nombreux témoignages qui permettent une réelle immersion.
Dans une seconde partie, -M. GUILLEMOT, « Seconde partie : Féminiser la guerre du Viêt-Nam : Les Jeunesses de choc (TNXP) du sacrifice guerrier à la reconnaissance politique», Des vietnamiennes dans la guerre civile, l'autre moitié de la guerre 1945-1975, 2014, pp. 93-198- l'auteur s'attarde d'avantage sur les TNXP -jeunesses de choc-. M. Guillemot tiens ici à penser le rôle des jeunes femmes dans les TNXP ainsi que leur place dans la société actuelle et plus précisément des conséquences que cet engagement leur aura couté (tant physique que psychologique). En tout premier lieu l'auteur tend à expliquer l'apparition de ces troupes armées de jeunes (18-22 ans) qui se féminisent considérablement durant les années 1950 (tout en restant cependant sous le contrôle d'hommes). L'auteur tend ainsi à expliquer le contexte particulier qui amena ces jeunes filles au sein des TNXP en expliquant que cela s'apparentait pour ces dernières à un devoir national (tout en rappelant que la propagande de l'époque allait très largement dans ce sens). Par la suite, M. Guillemot s'attarde sur les conditions de vie particulièrement difficiles des jeunes filles engagées dans les TNXP en évoquant principalement les caractéristiques génétiques propres aux femmes qui semblent être niés tout au long de la guerre par les pouvoirs publics (alors composés très majoritairement d'hommes). Ainsi, il s'attarde à démontrer le peu de considération dont bénéficiait les TNXP par leurs supérieurs, tant durant (elles était les premières à aller sur le champs de bataille et les dernières à en sortir) qu'après la guerre (les TNXP deviennent alors les « cinq sans »). Enfin, l'auteur s'attarde sur les conséquences physiques (mutilation, maladie, vieillesse prématurée...) et psychologiques (dépression, isolement...) des anciennes TNXP de la guerre du Viêt-Nam tout en se questionnant sur leur retour dans la société civile au lendemain de la guerre et sur le peu de reconnaissance de ces dernières dans la société vietnamienne actuelle.
Enfin, en guise de conclusion M. Guillemot pose le débat quant à la place des femmes et plus précisément des anciennes combattantes (tant du sud que du nord) de cette époque dans la société vietnamienne actuelle. Il tend ainsi à démontrer qu'un début de courant de penser visant à cette reconnaissance semble se manifester à travers les milieux culturelles et intellectuels du Viêt-Nam. Or, comme le rappelle l'auteur, ils semblent se heurter à une société encore très patriarcale et sous domination du RSVN (qui pourtant promettait une libéralisation de la femme avec l'unification du pays et la fin de la guerre) qui tend alors à imposer une histoire officielle volontairement instrumentalisée (même si M. Guillemot rappelle que ces dernières années des mémoriaux rendant hommage aux anciennes TNXP de la guerre du Viêt-Nam semblent faire leur apparition dans le pays).
Cet ouvrage est ainsi particulièrement intéressant car il permet au lecteur d'avoir une vision autre de la guerre du Viêt-Nam -et dans une moindre mesure celle d’Indochine- : celle des femmes. De plus, l'auteur s'appuie sur une documentation riche et variée qui donne une véritable profondeur à sa recherche. Néanmoins, il semble tout de même regrettable de ne pas avoir d'avantage d'information quant au contexte général du conflit. Cependant, M. Guillemot met en exergue une autre vision de l'histoire contemporaine du Viêt-Nam particulièrement intéressante en tentant d’établir une autre vérité sur la situation des femmes durant la guerre civile permettant ainsi une remise en cause du discours officiel et d'une manière plus générale permettant une réflexion sur la question de la femme en période de guerre.
NICODEX Quentin