Compte rendu d’ouvrage
Rémy Madinier « L’Indonésie, entre démocratie musulmane et islam intégral : histoire
du parti Masjumi (1945-1960) »
L’auteur de cet ouvrage est Rémy Madinier, spécialiste de l’Indonésie, chercheur
au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), co-directeur du Centre Asie du
Sud-Est ainsi que de l’Institut d’Etudes de l’Islam et du Monde Musulman (IISMM-
EHESS). Sa formation à l’Institut d’Etudes Politiques (IEP) de Paris et son agrégation en
histoire explique que ses recherches et son analyse sur le parti politique indonésien
soient étudiées d’un point de vue historique. Les domaines disciplinaires de prédilection
de Rémy Madinier, qui exprime son intérêt pour la culture et la politique islamo-
indonésienne, sont : l’Histoire de l’identité religieuse de l’Indonésie, la démocratie
musulmane et rôle politique de l’Islam en Indonésie, la radicalisation de l’islam
indonésien et enfin les relations islamo-chrétiennes dans le monde malais. Madinier a
une connaissance éclairée de son terrain d’étude dans la mesure où il a été en poste
pendant plusieurs années en Indonésie.
Premier pays musulman du monde au moment de sa décolonisation, les Indes
Néerlandais deviennent la République d’Indonésie le 17 août 1945, néanmoins il faudra
attendre plusieurs années avant que les hollandais ne reconnaissent définitivement
l’indépendance de l’Indonésie. Dans son ouvrage, l’auteur s’attache à retracer
l’historicité du parti politique Masjumi entre 1945 et 1960 soit de sa création à son
interdiction. La démarche de créer un parti politique qui respect les principes de l’islam
illustre bien cette volonté du peuple indonésien à faire entrer la dimension religieuse
dans la vie politique et ainsi, affirmer leur foi dans la vie individuelle et collective.
Cet ouvrage est divisé en six chapitres, les trois premiers sont consacrés à l’étude
de l’historicité et de l’héritage qui a entrainé la formation du parti, l’auteur analyse la
mise en place du parti Masjumi et s’attache à présenter les différents protagonistes qui
ont dirigé et joué un rôle dans ce parti politique. Madinier revient sur l’Histoire de la
colonisation de ce pays et montre que c’est grâce à la formation intellectuelle issue de la
pensée occidentale (transmise par le biais des hollandais et dont ont pu jouir les élites
indonésiennes) que le parti Masjumi rassemble des dirigeants musulmans qui ont cette volonté de créer un état démocratique à partir d’une base religieuse. L’auteur démontre
que le contexte de l’indépendance -encore récente au moment de la mise en place du
parti- a profité au Masjumi car il permet au pays de s’affirmer politiquement et de lui
créer une identité propre. Cependant, l’ouvrage montre que la recherche de la
modernité par cet Etat implique des compromis difficilement conciliable avec la
politique recherchée dans la mesure où l’autorité nationale est incapable d’imposer une
doctrine commune. Pour les dirigeants du parti Masjumi les notions de nationalisme, de
politique et de religion ne sont pas dissociables les unes des autres car la mise en place
de l’Islam dans la sphère politique est l’aboutissement de la création de l’Etat
indonésien. Par la suite, sous le président Soekarno (1945-1967) le parti Masjumi va
être réprimé puis interdit en 1960, cet événement entraine la majorité des responsables
masjumistes vers une sorte de radicalisation politico-religieuse et notamment avec la
revendication de la charia soit de la loi islamique régissant la vie politique, sociale, religieuse et individuelle.
Les trois derniers chapitres expliquent en quoi et pourquoi la dissolution du parti Masjumi a été nécessaire, ils permettent de montrer l’évolution de cette idéologie et de cette organisation politique qui a entrainé sa chute car elle tendait vers une radicalisation islamiste. En effet, à la suite des premières élections indonésienne en 1955 le parti Masjumi arrive en troisième position dans les scrutins, derrière le parti nationaliste indonésien (PNI) et le parti Nahdatul Ulama. Non-satisfait du résultat car convaincu de représenter la majorité de la population de part son engagement politico- religieux, le Masjumi se marginalise et se rapproche dangereusement du Darul Islam qui est un mouvement politique dont l’idéologie est d’imposer par la force un Etat islamique. De plus, l’incapacité du Masjumi à se détacher de ses convictions religieuses et à accepter un gouvernement qui ne corresponde pas à son idéal politique seront des justifications supplémentaires pour provoquer sa chute et son interdiction par Soekarno.
Les trois derniers chapitres expliquent en quoi et pourquoi la dissolution du parti Masjumi a été nécessaire, ils permettent de montrer l’évolution de cette idéologie et de cette organisation politique qui a entrainé sa chute car elle tendait vers une radicalisation islamiste. En effet, à la suite des premières élections indonésienne en 1955 le parti Masjumi arrive en troisième position dans les scrutins, derrière le parti nationaliste indonésien (PNI) et le parti Nahdatul Ulama. Non-satisfait du résultat car convaincu de représenter la majorité de la population de part son engagement politico- religieux, le Masjumi se marginalise et se rapproche dangereusement du Darul Islam qui est un mouvement politique dont l’idéologie est d’imposer par la force un Etat islamique. De plus, l’incapacité du Masjumi à se détacher de ses convictions religieuses et à accepter un gouvernement qui ne corresponde pas à son idéal politique seront des justifications supplémentaires pour provoquer sa chute et son interdiction par Soekarno.
Le sujet principal de cet ouvrage -qui est la formation du parti politique
musulman Masjumi- est quelque peu difficile à comprendre pour un lecteur non-éclairé
sur l’histoire de l’Indonésie c’est pourquoi il est intéressant de faire des recherches au
préalable notamment sur la colonisation par les hollandais, l’occupation par les japonais,
la décolonisation et la formation de cette république récente, dans le but de mieux
cerner et de mieux comprendre le sujet d’étude.
La présence de cartes est fortement appréciée car elles permettent une représentation
et une spatialisation de la diffusion du parti politique Masjumi au sein des différentes
circonscriptions indonésiennes. Néanmoins, les cartes et les illustrations (caricatures)
ne sont pas d’une lecture claire à cause des normes d’impression de la maison d’édition,
le jeu de nuance noir et gris est assez lisible mais pas très attractif pour l’œil du lecteur.
On regrette également l’absence d’une frise chronologique à laquelle on peut se référer
pendant la lecture, avec les grandes dates des évènements qui se sont produits lors de la
période du parti Masjumi. Rémy Madinier utilise beaucoup de référence littéraire et une
documentation extrêmement riche, c’est un ouvrage complet qui aborde le sujet de la
politique indonésienne masjumiste dans sa globalité, avec méthode et rigueur. Cela rend
la lecture agréable bien qu’elle soit quelque peu massive à certains passages. Pour un
lecteur non-spécialiste et non-habitué aux ouvrages historiques il est nécessaire (mais
compliqué) d’être capable d’entrer totalement dans l’œuvre et de se tenir à la lecture
complète de l’écrit.
Dès lors, l’ouvrage de Rémy Madinier permet de nous offrir une clef de lecture
supplémentaire quant à l’historicité de la présence d’un parti politique fondé sur la
religion islamique en Asie du Sud-Est. Cette analyse historique est d’autant plus
éclairante à l’heure où les médias, les politiques occidentaux et l’opinion publique se
représentent les partis islamistes du Monde Arabe comme étant associés à l’exercice
d’un pouvoir non-démocratique lié à leur pratique religieuse. De ce fait cet ouvrage
permet d’offrir une analyse poussée en profondeur de ce qui a été l’une des tentatives
contemporaines les plus abouties pour concilier les principes de la religion islamique et
la démocratie.