Chercheur et maître de
conférences à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Xavier Paulès est
spécialisé dans l’histoire de la Chine contemporaine ; il s’intéresse à
l’histoire urbaine, ainsi qu’à l’histoire de l’opium et des jeux de hasard.
Dans cet ouvrage, il aborde deux points essentiels de l’histoire de l’opium en
Chine : comment cette drogue a-t-elle pu entraîner un tel engouement aussi
rapidement ? Et comment a-t-elle pu être éradiquée tout aussi vite ? Pour
répondre à ces questions, Paulès aborde, au long de six grands chapitres,
l’histoire de l’opium en Chine.
Pour commencer, il présente
l’opium et son association erronée à la Chine. En effet, si cette drogue est
connue de grand nombre de civilisations depuis l’Antiquité, elle n’apparaît en
Chine que très tardivement ; importée d’Inde par les marchands
britanniques afin de rééquilibrer les échanges, elle connait un succès
fulgurant. Il est noté que peu d’historiens se posent la question de ce succès,
ainsi que, bien sûr, celle de son abolition. Chacun des six chapitres suivants
développe ensuite séparément les diverses dimensions de l’impact de l’opium en
Chine ainsi que les détails consacrés à sa culture et à sa consommation.
Ainsi, dans le premier
chapitre, l’auteur se consacre à l’extraction de l’opium à la suite des
récoltes du pavot puis au mode de consommation de la substance obtenue. Ce
premier chapitre est essentiel à la compréhension de l’engouement suscité par
cette drogue dont la consommation n’est cependant pas aisée car elle exige un
savoir-faire et une précision toute particulière ; l’opium est en effet
entouré d’un mystère et évoque un prestige qui en fait très vite la drogue des
élites. Ce premier chapitre fait également la distinction entre
« fumeurs » et « drogués » car ce second terme induit une
dépendance, et l’on apprendra très vite que cette dépendance – bien réelle –
condamnée par les opposants à l’opium l’est aussi par ceux qui le consomment.
Sans réelle transition, le
chapitre suivant est consacré au rôle de l’opium au sein des relations
extérieures. Il explore les mesures prises au XX ème siècle pour lutter contre
l’opium. Celui-ci a en effet été importé d’Inde par les marchands britanniques
dans le but de rééquilibrer les échanges avec la Chine et a immédiatement été considéré comme
« un poison venu de l’étranger » à une époque où le commerce
occidental était strictement contrôlé en Chine. L’auteur avance que la première
guerre de l’opium marque le passage à la modernité et s’intéresse au rôle joué par le pays dans la
lutte contre l’opium tout au long du XX ème siècle, où il devient une
préoccupation internationale. Loin de prendre parti, Xavier Paulès explore ici
tous les points de vue des pays concernés. Il enchaîne ensuite sur l’impact
macroéconomique de l’opium ; il rappelle notamment que si l’opium est
considéré comme un fléau, il n’en reste pas moins qu’il permet de faire vivre
beaucoup de monde, à commencer par les cultivateurs de pavots qui se répandent
en Chine après l’interdiction totale de l’opium indien sur le territoire. Par
ailleurs, sa culture n’empêchant en rien celles nécessaires à la survie du pays
– puisque le pavot se cultive en hiver en Chine – l’auteur souligne que les
arguments avancés par les détracteurs de la drogue en faveur de son abolition,
bien que logiques, n’en demeurent pas moins faux. L’impact de l’opium sur la
Chine est donc loin d’avoir uniquement des conséquences désastreuses.
Ce n’est que dans le quatrième
chapitre, consacré aux enjeux de l’opium au sein de la politique intérieure,
qu’il est possible d’avoir un réel aperçu de ce qu’est l’histoire de l’opium en
Chine, ainsi que son évolution. Ponctué par des images de propagandes
gouvernementales de diverses époques, il retrace les différentes mesures et
positions politiques de gouvernement chinois, puis du monde entier face à
l’opium entre le XVIII ème et le XX ème siècle, lorsqu’il est aboli par le
parti communiste.
Enfin, les deux derniers
chapitres se consacrent au profil des fumeurs d’opium ainsi que les différents
lieux de consommation. Se basant sur des données de cliniques de
désintoxications, l’auteur y brosse notamment le portrait du consommateur type,
ainsi que les raisons l’ayant poussé à l’usage de l’opium. Enfin, l’auteur
élabore une conclusion dans laquelle il peut enfin répondre à ses deux problématiques
principales.
L’ouvrage de Xavier Paulès
présente ainsi de manière très exhaustive et objective la courte, et néanmoins
importante histoire de l’opium en Chine. Mais cette abondance d’informations
risque à plusieurs reprises de perdre le lecteur. En effet, si l’ouvrage
s’ouvre de manière très accrocheuse et divertissante sur une description de la
baie de Hong Kong semblable à l’introduction d’un roman d’aventure. Cependant,
l’auteur reprend assez rapidement le ton de l’historien pour réaliser son
analyse et, si certains chapitres demeurent fluides, d’autres, plus précis,
demandent surement une attention plus soutenue.
Paola Bussolaro